Dynamique et conservation de la biodiversité

L’abondance et la diversité des grands mammifères, mais aussi des oiseaux, qui caractérisent le parc national de Hwange et sa périphérie font de ce socio-écosystème un site remarquable et important pour la conservation d’un grand nombre d’espèces. Ce territoire fait partie de KAZA, le plus grand parc de conservation transfrontalière du monde, avec de forts enjeux de conservation sur les espèces à forte capacité de déplacement, l’éléphant en particulier. C’est un site non clôturé et donc un site privilégié d’étude des processus écologiques qui régissent le fonctionnement de cette biodiversité sans contrainte de déplacement, notamment dans les zones d’interface nombreuses. Ce premier axe vise donc à décrire et comprendre la dynamique et le fonctionnement de la biodiversité, en s’attachant en particulier à étudier les réponses de cette biodiversité aux changements de l’environnement et aux impacts anthropiques pour mieux la conserver. Cet axe s’articule autour de 5 sous-axes.

(1) Rôle d’observatoire de la biodiversité

Un des mandats de la ZA Hwange est d’assurer le suivi de la biodiversité à travers la constitution de base de données sur long-terme sur l’abondance et la distribution de la biodiversité sur un gradient d’anthropisation dans le socio-écosystème. En plus de continuer les suivis menés depuis de nombreuses années (comptages de grands mammifères, suivis par piégeage photographique, plots de végétation permanents, biodiversité dans les mares), de nouvelles approches seront mises en place dans les années qui viennent : (i) une approche plus précise que les simples comptages et développée à partir d’une évaluation fine de la structure d’âge des groupes pour estimer et prédire la dynamique de la population d’éléphants; (ii) élargissement des suivis à d’autres composants de la biodiversité (e.g. communautés d’oiseaux, de plancton, d’insectes, de ligneux); (iii) mise ne place de nouvelles méthodes de suivis de la biodiversité (acoustique, IA); (iv) approches de sciences participatives en impliquant les personnes vivant à la périphérie de l’aire protégée afin d’intégrer les savoirs locaux; et (v) formations pour exposer les acteurs locaux et les jeunes aux méthodes de suivis de la biodiversité. A terme, toutes ces approches permettront de décrire les réponses de cette biodiversité à la gestion de l’eau de surface, à la présence d’éléphants en abondance, aux différents impacts anthropiques et aux changements climatiques.

(2) Etude de la mobilité animale

La mobilité animale est au cœur de nombreuses problématiques de recherche dans la ZA Hwange et cela à plusieurs échelles : à l’intérieur de l’aire protégée, entre l’aire protégée et sa périphérie, et entres aires protégées à l’échelle de KAZA (e.g. migration régionale des éléphants, déplacements des grands carnivores hors de l’aire protégée, réseau de contacts dans le cadre de l’étude de la transmission de pathogènes). Le CNRS Écologie & Environnement, à travers la labellisation SEE-Life du suivi à long-terme de la population d’éléphants de Hwange, permet de consolider le suivi de la distribution des éléphants, à l’échelle individuelle par suivi GPS et à l’échelle populationnelle surtout par observations par pièges photographiques. Cela permettra d’interroger l’effet des changements climatiques sur cette population. Ces travaux contribuent fortement aux réflexions centrées sur la conservation des éléphants à l’échelle de la région du KAZA Elephant Sub-Working Group. En particulier, nous cherchons à confirmer ou infirmer l’existence hypothétique de certaines voies de migration. Sous réserve de financement, des études des déplacements des gnous et des hippopotames seront mis en place dans les années à venir car ces espèces devraient être fortement impactées par les changements climatiques. En effet, il est attendu que les gnous, ruminants paisseurs sur herbe rase, soient très sensibles à des épisodes de sécheresse et que cette espèce y réponde par la mobilité. Or, bien qu’elle soit a priori migratrice, ses déplacements au sein du parc et éventuellement à l’extérieur de celui-ci sont inconnus. Les hippopotames, eux, sont complètement dépendants des mares, or la dynamique de celles-ci est appelée à changer dans un contexte d’aridification de l’Afrique australe. L’essor récent du bio-logging embarqué sur l’animal et l’utilisation de l’intelligence artificielle pour le traitement de grands jeux de données permettent de mener des suivis d’une ampleur sans précédent et de se poser de nouvelles questions scientifiques sur la mobilité des animaux.

(3) Compréhension des réseaux d’interactions interspécifiques

La description de ces réseaux et l’étude de leur fonctionnement (sur les gradients d’anthropisations et d’influence de l’eau de surface) sont des recherches à l’interface des axes 1 et 2. Pour décrire ces réseaux, nous travaillons avec des outils classiques en écologie tels que la télémétrie ou les pièges photographiques. Des actions de formations pour comprendre ces outils et l’analyse des données générées par ceux sont régulièrement organisées par l’équipe de la Zone Atelier. Un ensemble de recherches (financé par l’ANR, projet PULSATION) va chercher à comprendre les conséquences pour le fonctionnement de la communauté de grands mammifères des d’épisodes de mortalité chez les éléphants qui sont appelés à devenir de plus en plus fréquents et graves dans un contexte d’aggravation des sécheresses. Ces pics de méga-carcasses, qui surviennent épisodiquement pendant une courte période avec une abondance très supérieure à celle des autres ressources, peuvent être considérés comme une ressource pulsée et risquent de modifier la dynamique des populations qui les consomment, avec des effets indirects sur d’autres populations. Nous chercherons à étudier (1) l’impact de ces carcasses sur la distribution spatiale et le comportement alimentaire des lions et des hyènes tachetées, les grands carnivores africains les plus communs, tous deux charognards facultatifs qui utilisent les carcasses d’éléphants lorsqu’elles sont disponibles – ce qui permettra d’étudier les interactions entre les processus de chasse active et de charognage ; (2) les conséquences sur les populations de proies par l’altération des effets létaux (i.e., la consommation de proies) et non-létaux (i.e., la peur) de ces prédateurs ; (3) les implications pour le réseau trophique. Ces travaux viendront nourrir la réflexion menée avec l’autorité des parcs nationaux sur le rôle de la gestion de l’eau, déterminant de la dynamique de la population d’éléphants, dans le fonctionnement du socio-écosystème.

(4) Interaction biodiversité et cycles biogéochimiques 

Dans le cadre d’une thèse et du projet WetArid, financé par le programme EC2CO INSU-INEE, des recherches sont développées pour étudier le forçage climatique sur la dynamique de remplissage en eau (information fondamentale pour tous les axes) et d’assèchement des zones humides ainsi que sur communautés végétales associées ainsi que sur le cycle du carbone et de l’azote dans ces milieux. Plus précisément, les surfaces des zones humides, végétalisées ou non, seront étudiées par télédétection entre 1985 et 2022 en tenant compte de la pluviométrie et des températures. En parallèle, des suivis des communautés végétales des zones humides ainsi que des paramètres du sol (humidité, compaction par exemple) permettront de calibrer des données relevées par télédétection. En raison des apports importants de matière organique dus aux excreta de la mégafaune, les cycles du carbone et de l’azote peuvent être modifiés dans les zones humides. Ces changements sont susceptibles d’être amplifiés par la fréquentation accrue des zones humides par la mégafaune en réponse à la réduction des ressources en eau, elle-même liée au dérèglement climatique. Dans un premier temps, afin de comprendre ces cycles dans les zones humides du parc, des suivis des apports en matière organique ainsi que des activités microbiennes de dégradation de la matière organique seront mis en place. Dans le cadre du projet SPACE (2024-2026) financé dans le cadre de l’appel d’offre TOSCA (CNES), ces études seront élargies à la structure paysagère de la savane, sa dynamique temporelle et les conséquences sur l’exploitation des ressources en eau et végétale par la faune sauvage.

(5) Ingénierie de l’éléphant et services écosystémiques rendus par l’éléphant

Avec plus de 30000 éléphants, le Parc National de Hwange héberge l’une des plus importantes populations d’éléphants du continent. L’éléphant est central dans le fonctionnement du socio-écosystème de Hwange, avec, entre autres, des effets forts sur les ligneux et la structure des savanes de type forêts sèches qui dominent Hwange, et qui constituent la savane la plus répandue de l’hémisphère sud. Nous souhaitons mieux comprendre les fonctions et services qui sont associés à l’ingénierie écologique de l’éléphant dans les années à venir. Plus spécifiquement, nous cherchons à comprendre l’effet des éléphants sur la séquestration du carbone dans les paysages partagés et non partagés avec les humains au sein du socio-écosystème de Hwange (thèse MITI en cours).  Ces travaux sont faits en partenariat étroits avec la Forestry Commission et les villages.